Résumé
Sans savoir pourquoi et sans obtenir de réponse, Raoul, sept ans, s’enfuit vite avec son oncle vers Senlis, au nord de Paris. Là, le destin leur réserve un choc : une séparation brutale laissant Raoul seul, vulnérable, dans les rues de cette ville étrangère. Mais, Thomas, un prêtre qui honore la mouvance révolutionnaire de l’époque, croise son chemin et l’accueille aussitôt chez lui. Sans se douter que l’ombre menaçante qui plane sur cet enfant va s’étendre désormais sur lui, mettant en péril non seulement son statut de prêtre, mais aussi sa vie.
C’est une histoire de solidarité inébranlable, où des hommes se dressent contre l’obscurité pour protéger un enfant et défendre leurs valeurs humanistes, au péril de leur propre sécurité. Mais dans l’ombre, les murmures de l’infâme se font entendre, les dilemmes moraux déchirent les âmes et la traque impitoyable ne connaît pas de répit.
Au fil des pages, entre amitié, poursuites haletantes et secrets enfouis, ce roman révèle la nature immuable de l’humanité, démontrant que, malgré les siècles qui passent, les passions et les ambitions restent des moteurs universels, prêts à tout pour accomplir leurs desseins…
Caractéristiques
Nombre de pages : 262
Genre : roman
Editeur : Éditions Anfortas
Parution : novembre 2018
ISBN : 978-2-37522-061-0
La presse en parle
- « Histoire, suspens, interrogations… comme un parfum du « Nom de la rose » – Le Parisien
- « Un film en puissance » – Radio France Bleu
- « Coup de cœur ! Personnages bien dessinés… accusations, condamnations, rumeurs… À prendre dans ses bagages » – Le Courrier Picard
- « Roman historique et policier dans un XIVe siècle qui nous fascine : il ressemble tellement à notre 21e siècle à tendance obscurantiste… » – Journal Respublica
: (…) Quand sonnent les matines, Jacques ne dort toujours pas. Il écoute les tintements répétés, réguliers. Se tourne sur le côté, observe Raoul, étendu près de lui. Le petit rêve tout haut, parle d’un chien. Celui de sa nourrice ou le bâtard rencontré sur leur route ? Quel beau garçon ! Quelle innocence ! Il a soudain envie de le réveiller, de lui dévoiler la vérité, mais se ressaisit aussitôt, se recouche sur le dos. S’il cède à cette impulsion, toutes ses actions passées n’auront servi à rien. A-t-il bien agi ? Est-il dans le vrai ? Un jour, il se dit que oui, un autre, se convainc que non. Il ne sait pas. Et là, réside son angoisse. Il a pris dans ses mains le destin d’un nouveau-né, aujourd’hui un enfant de sept ans, et il l’a changé. « Tu as transgressé une obligation, Jacques. Tu as trahi », lui répète une voix intérieure. Alors, il se murmure : « oui, mais il est vivant. »
Ses pensées, plus que les ronflements du dortoir, l’empêchent de s’assoupir. Il a chaud, transpire. Il se redresse, essuie son front, jette un coup d’œil sur Raoul. « Pardonne-moi, mon garçon… mais je n’ai que deux choix, fuir l’homme qui nous poursuit ou l’affronter, tu comprends ? Oh, Seigneur, n’ai-je pas bien agi ? » Il se lève et, sans faire de bruit, quitte la pièce.
Dehors, il évite le clair de lune sur la cour de l’enceinte et longe le mur dans l’ombre. Il respire profondément, puis s’immobilise. Il a besoin de sentir, d’entendre le souffle de la nuit. Soudain, dans cette plénitude, ses lèvres s’ouvrent ; un cri s’échappe. Un cri long et sauvage qui s’élève par-delà les toits jusqu’au trône de Dieu.
(…) Raoul suit Benoît dont la main rassurante et douce l’aide à passer les obstacles, caresse de temps à autre sa tête ou ses épaules. L’homme lui parle de la forêt, des cerfs, des loups ; relie chaque trace, chaque cri à un nom d’animal.
— Regarde ! dit-il soudain, en pointant droit devant lui.
Orné de fleurs de toutes les couleurs, de quenouilles, de roseaux et de joncs, l’étang de Commelle étale devant eux une eau claire, lisse où glissent des canards noirs aux becs rouge ou blanc. À sa droite, un moulin tout en pierres blanches.
— La grange où travaillent les convers est à gauche, là-bas. Tu es arrivé le premier. Tu as gagné ! annonce Benoît.
— Vous êtes sûr que le père Thomas nous retrouvera ?
— Aussi sûr qu’il y a des poissons dans cet étang. Mais dis-moi, as-tu de quoi manger dans ton sac ?
Raoul acquiesce.
— Bien, dit Benoît qui attend le signal de ses compères pour achever son plan.
— Ils vont tuer mon fils, Thomas…
La voix chevrote. Les yeux pleurent. Le corps se contracte.
Thomas se redresse sans hâte ni souplesse, s’avance et guide son ami vers un banc comme il le ferait pour un vieillard chancelant. Paul est estimé de tous. Prévôt des drapiers, il pourrait devenir celui de la paroisse, mais cet artisan ne cherche ni les honneurs ni les titres. Il n’éprouve de fierté, qu’en écoutant son Bastide-aux-grandes-idées projeter l’intégration de la corporation de Senlis à la hanse flamande. Une fois assis, il se plie en deux et s’enfouit le visage dans les mains.
— Calme-toi, Paul.
— Ils doivent être en train de le torturer, Thomas ! Et tu voudrais que je reste serein ? Ô Seigneur ! Venez-nous en aide !
— Nous n’avons pas grand moyens d’intervenir. Si nous agissons de manière précipitée, nous échouerons, et aucune autre occasion ne nous sera offerte, comprends-tu ? Crois-tu que je n’y ai pas réfléchi ?
— Quand tu auras fini de réfléchir, il sera mort. J’ai prévenu les prévôts de cinq confréries. Ils s’apprêtent à m’aider, et le bailli accepte de m’organiser une audience près du roi.
— Il faut s’adresser à l’évêché, Paul, puisque ce procès relève de l’Église. Mais ton idée est bonne. Entraîne ces corporations devant le palais épiscopal. Protestez, demandez justice, menacez de…
— Tu veux que… nous menacions l’évêque ?
— Il faut oser, Paul, la vie de ton fils en dépend !
— Le combat n’a jamais effrayé les Bonard, tu le sais. Mais là… c’est différent. L’Église, c’est ton domaine plus que le mien.
— Tu connais mes relations avec ce prélat, n’est-ce pas ? Si je suis le plaideur, nous perdrons. Vous êtes la plus puissante des corporations de Senlis : vous avez donc du poids et, surtout, l’argent dont l’évêché a besoin. Mais laisse-moi te dévoiler mon idée.