La ruée vers l’or bleu

La nature se pare de couleurs, flatte notre regard, et le bleu du ciel stimule notre imagination, mais il n’a pas toujours été apprécié.

Sur le chemin, après une longue marche , survient le moment propice à la pause. Étendue sur l’herbe, les mains croisées sous ma tête, mon regard se perd dans les nuages qui se poursuivent. Un spectacle sur fond bleu, La teinte préférée  de la plupart des gens, mais dédaignée dans les temps anciens. Même, dit-on, méprisée par les Romains qui la considéraient comme une couleur de Barbares… Pourtant,  les fleurs de lin qu’ils cultivaient ou les saphirs qu’ils convoitaient devaient bien les émerveiller, non ?

Il faut croire que non et  attendre le XIIe siècle.

À cette époque, semble poindre un nouvel état d’esprit. Le bleu envahit  les édifices religieux, illumine les vitraux, colorie les  cieux, auparavant sombres.  La Vierge, elle-même, figure pure et sacrée, se drape dans cette couleur.

Si le bleu devient divin, il peut donc être royal , a dû penser sa seigneurie qui arbore  désormais une parure bleue. Par mimétisme, La  noblesse la suit et se l’approprie très vite.

Ainsi, le  bleu devient une marque de l’aristocratie et sera donc interdit au peuple, ce que montrent bien les enluminures.

Par contre, les cultivateurs et les marchands y décèlent vite une source de profit. Et qui dit profit dit conflit, car la même personne n’a pas  le droit de vendre deux couleurs.

Alors, sans tarder, c’est la ruée vers « l’or bleu ».

La culture de la guède, plante fournissant le pigment, se développe à grande échelle. Les marchands du bleu s’enrichissent, acquièrent un pouvoir et provoquent la fureur et la jalousie chez les marchands du rouge. La guerre éclate entre eux. Et l’on raconte même  que les « rouges » ont voulu soudoyer des artistes pour qu’ils peignent le diable en bleu, afin de discréditer cette couleur.

Il est difficile de ne pas réfléchir à l’esprit humain, capable un jour de reléguer le bleu au rang de barbare pour ensuite le hisser au statut divin. Ou encore, de songer aux préjugés, comme celui affirmant que les femmes aux yeux bleus étaient des créatures de vie dissolue.

Oserais-je vous avouer que j’ai les yeux bleus ?

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