Noël arrive… Vite, le sapin ! Mais pourquoi ? Que représente-t-il ? Et depuis quand entre-t-il dans les foyers ? Depuis le Moyen Âge ? Les réponses abondent, mais qu’en est-il au juste ?
L’arbre de vie
Suivant la tradition biblique, l’arbre est une représentation de la vie, qui unit le monde souterrain ( par ses racines) à celui du ciel ( par son feuillage). La Genèse parle de l’ «arbre de vie » dans le jardin d’éden. Le chandelier à sept branches en est la stylisation. (1)
À partir du XIe siècle, pendant l’Avent, un des spectacles donné dans ou devant les églises évoque le paradis terrestre, figuré au centre de la scène, par un arbre chargé de fruits. Il restera un symbole des festivités de Noël.
Le culte des arbres
L’arbre a été de tout temps un objet de culte, et encore plus, ceux à feuillage persistant, jugés bienfaisants. Ainsi, au Moyen Âge, et selon les régions, on suspend à sa porte des branches de pin et de sapin ou des rameaux de buis, laurier, lierre, houx, genévrier… pour chasser les démons, sorcières et mauvais esprits… Et souvent, les ruraux vont prier, espérer ou se recueillir près d’une source, d’une pierre ou d’un arbre, éléments sacrés à leurs yeux. Et cela, malgré l’Église.
L’Église réagit…
L’église lutte, mais avec difficulté, contre ces rites païens, puis finit par s’approprier ces vieilles croyances. Elle espère ainsi récupérer en son sein toute cette bande d’adorateurs. À cette fin, elle bâtit des chapelles sur leurs lieux de prières et rebaptise leurs fêtes. Mais, les pratiques dévotes se mêlent aux excès en tout genre, et les cérémonies chrétiennes restent souvent des divertissements profanes.
… et célèbre Noël
Les Romains ont dédié des temples au Sol Invictus, au soleil invaincu, et les païens fêtent toujours le retour de l’astre, la nuit du 21-22 décembre. À cette époque, chez les Scandinaves, le jour de la mort du soleil est voué à l’if (notre arbre des cimetières) et le lendemain, jour de sa renaissance, à l’épicéa (notre « sapin » de Noël). Gardez cela en mémoire.
Cependant, les Pères de l’Église déplorent cet « égarement » et décident de célébrer la naissance de Jésus pendant leur fête du solstice d’hiver, appelée désormais Noël. (2)
Et le sapin ?
Un arbre ne pousse pas, naturellement, n’importe où. Il a ses goûts et ses exigences climatiques et pédologiques.
Ainsi, au Moyen Âge, le sapin et l’épicéa, natifs de régions froides et de la montagne, ne s’épanouissent pas dans les plaines françaises. Donc, les foyers des plaines n’ont pas de « sapin » de Noël (qui sera un épicéa), mais une bûche décorée dans l’âtre de leur cheminée.
La bûche enrubannée
Donc, point de sapin dans les logis français au Moyen Âge, mais la maison change d’aspect :
«… La pièce à vivre de la ferme est décorée de houx, de gui et de verdure. Dans du feuillage, une grosse bûche joliment enrubannée attend la veillée pour être arrosée de vin et s’embraser… » (4)
Le sapin et une de ses légendes chrétiennes
Au VIIe siècle, comme la population germanique idolâtre un chêne sacré, Saint-Boniface, le fait abattre. Gigantesque, il détruit tout dans sa chute sauf un petit sapin.
C’est un miracle ! crie-t-on.
Et le sapin devient l’« Arbre de l’Enfant Jésus ».
La tradition de l’arbre de Noël nous viendra, plus tard, des régions froides d’Europe du Nord où les résineux toujours verts sont déjà célébrés, dans diverses occasions.
Et après le Moyen Âge ?
Au XVIe, en Allemagne, une légende présente Luther comme l’inventeur du sapin de Noël… Une autre, parle d’un sapin recouvert de pommes rouges, l’« l’arbre de vie », lors des spectacles de décembre. Puis de même en Alsace. Et petit à petit, ce résineux s’installera dans les espaces publics des paroisses.
En France, le « sapin » de Noël n’entre dans le cœur des maisons qu’au début du XIXe. À cette époque, le pays a un grand besoin de bois et de bateaux. On recherche donc des essences à croissance rapide comme les résineux. Alors, on enrésine les forêts (3).
Ainsi, l’épicéa des foyers français, le soir de Noël, deviendra « Arbre de l’Enfant Jésus », arbre de vie et du renouveau ou arbre à cadeaux…
NOTES
(1) Noël : Une si longue histoire… de Alain Cabantous et François Walter
(2) Cette « neutralisation » des fêtes païennes reste aujourd’hui l’hypothèse soutenue par la plupart des chercheurs des XXe et XXIe, même si Benoit XVI l’a rejetée… ou que certains parlent d’une réminiscence des fêtes de Yule.
Contre cette thèse, on avance la date du solstice d’hiver qui se produit le 21 décembre à minuit, alors que la Nativité tombe le 25.
En fait, la date du solstice varie selon les calendriers : et selon le calendrier julien, utilisé à cette époque, le solstice a lieu le 25 décembre.
(3) l’enrésinement, c’est la substitution des feuillus (chênes, hêtres…) par des résineux (pins, épicéas…)
(4) extrait du Cercle du Treize, p 104.
POUR ALLER PLUS LOIN :
Le livret du curé Chabot de Pithiviers, publié en 1907, explique comment décorer l’arbre de Noël : « Il faut placer des boules de verre ou de petits miroirs qui refléteront, en mille facettes, la lumière des petites bougies suspendues dans l’arbre. Souvent, on sème sur les branches quelques poignées de givre argenté et de neige artificielle ; on y ajoute quelques fois de longs fils d’argent qu’on appelle des cheveux d’ange. »(1)
On pourrait penser qu’en 1907 les familles ne savaient pas encore comment décorer un sapin