Comment lutte-t-on contre l’insécurité urbaine au moyen âge ?

Corps de métiers, couvre-feu, « police », tentatives d’éclairage et de dissuasion… Les médiévaux tentent tout pour lutter contre l’insécurité.

Quand police et justice se confondent

À partir du IXe siècle, les guerres et l’incapacité à protéger les populations des envahisseurs affaiblissent le pouvoir royal. Par contre, les vassaux du souverain défendent bien leurs territoires dont ils ont la charge. Ils obtiennent alors des privilèges comme celui d’ordonner, de contraindre et de punir. Ainsi, maîtres de leurs fiefs, ils se mettent eux-mêmes à enquêter sur les délits et à châtier les coupables. Mais leur domaine s’étale sur de si vastes surfaces qu’ils finissent par déléguer ces mêmes faveurs, à leurs propres vassaux.

Pendant l’époque féodale, il existe donc une multitude de pouvoirs centrés dans les châteaux, et indépendants les uns des autres.

Mais petit à petit, les rois vont se ressaisir et retirer ces avantages pour renforcer leur autorité, d’autant plus que les villes naissent et grandissent.

Un service de nuit

Crédit : Unsplash

La nuit, au cœur d’une enceinte fortifiée, dans des rues étroites et non éclairées, personne n’est à l’abri d’un coup de couteau ou d’un vol. Même si en France, dès le VIe, les habitants eux-mêmes ont un tour de surveillance. Gare à ceux qui s’y dérobent ou qui sont de mèche avec les voleurs…
Mais avec l’essor des villes, la délinquance augmente et le système devient inefficace.

La première « police » urbaine

Alors, au XIIIe, Saint-Louis crée à Paris le poste de « chevalier du Guet » (2) en le dotant de responsabilités militaire, fiscale et judiciaire. Les mauvaises langues affirment que le but caché de cette mission était la garde des prisonniers du Châtelet, et la protection des saintes reliques dans le Palais… Six hommes seront d’ailleurs postés à ces deux endroits. Car dès le couvre-feu, une troupe de sergents à cheval et à pied aide le chevalier du Guet dans ses fonctions.
D’autres villes imiteront Paris. (3)

Service obligatoire pour les habitants

Le service obligatoire de « garde » de nuit est réparti entre les corps de métier, principalement marchands et artisans. Impossible de refuser son tour sous peine d’amende. Par contre, certains se paient des remplaçants.

Peu avant le couvre-feu, les guetteurs filent vers leur place ( indiquée par le clerc du guet ) et y restent toute la nuit, sans être rémunérés. Contrairement aux chevaliers, ils surveillent « assis ».

Cela perdurera jusqu’au XVIe.

Et si on éclaire les rues ?

Au XIIIe, pour lutter contre l’insécurité, on essaie d’imposer à chacun d’éclairer sa façade par une chandelle, mais la consigne n’est pas suivie. Certainement par peur d’un incendie. Terreur de l’époque : la plupart des maisons sont à pans de bois.
Cette ordonnance sera reprise aux XIVe et XVe sans plus de succès.

Montrer, marquer dans l’espoir de dissuader

Dès Charlemagne, et afin de maintenir l’ordre, une sévère répression contre les délits se met en place : surtout des mutilations, mais aussi des confiscations de biens et des condamnations à mort.

Plus tard, afin d’empêcher l’arbitraire, des actes juridiques imposent des peines fixes, des amendes proportionnelles au crime. Or, que représente une somme d’argent pour un homme riche ? Le peuple crie à l’injustice.

Comme la délinquance ne diminue pas, le châtiment se veut désormais dissuasif, et cela dès le XIIIe : humiliation au pilori en plus d’une taxe à payer ; mutilation de l’oreille des voleurs, mise à mort en public…

Crédit : British Library
Crédit : British Library

Prison dans l’attente d’un jugement

Les « Établissements de Saint-Louis »(4) prescrivent l’incarcération en cas de : « meurtre, trahison, rapt, encis (meurtre d’une femme enceinte ou de l’enfant qu’elle porte), aguet de chemin, pillage, larcin, homicide, trêve rompue, incendie ».

Mais les premières prisons ne sont pas efficaces, et les évasions, fréquentes. Seules celles des « grandes » villes se paient un geôlier. Et si le prisonnier s’échappe, le gardien est puni. Alors, le geôlier finit par attacher les délinquants à l’aide de fers.

Toutefois, à cette époque, la prison représente surtout une cellule d’attente avant le jugement.

Puis les commissaires arrivent au Châtelet

Au XIVe, le roi nomme des commissaires-examinateurs au Châtelet, chargés de lutter contre la criminalité. Mais le royaume va mal… ( disette, guerre, peste…). La délinquance augmente et les causes des violences sont de nature politique, sociale ou économique (5).

Quant aux marginaux, et à leur chasse, nous en parlerons plus tard : il y a tant à conter sur ce sujet…

NOTES

1) En vieux français, police (ou pollice) signifie : « gouvernement établi ou action de gouverner ». Au fil des ans, le sens du mot s’est limité à certaines fonctions.
(2) le chevalier du Guet sera plus tard le bailli dans le nord de la France ou le sénéchal dans le Sud.
(3) Vers la fin du XIVe, à l’extérieur de la ville, des gens d’armes à cheval, dont les maréchaux, assureront la sécurité sur le territoire. Ils n’interviendront dans une cité que si le représentant local du roi est dépassé. C’est la maréchaussée, l’ancêtre de la gendarmerie.
(4)  «Les Établissements de Saint-Louis »sont une compilation juridique. Des historiens ont démontré que ces textes ne sont pas de Saint-Louis, mais le titre reste d’actualité.
(5) On trouve les causes des violences urbaines dans les chroniques, les lettres de rémission de peines et celles de témoignages … Les « acteurs » sont variés : de « communes gens », des « mécaniques », des « marginaux »… mais aussi des notables…

REMARQUE :

« La violence contre les biens, comme le vol avec préméditation est puni plus sévèrement que l’homicide, car on considère qu’il existe un lien étroit entre les personnes et les choses. » dit Jean Verdon, historien médiéviste.

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Un commentaire

  1. Article toujours bien documenté et passionnant. Avec ces articles nous approfondissons notre connaissance du Moyen-âge
    Merci

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