Les paysans mènent une vie sociale et associative. Mais l’exigence des villes, la guerre, la peste… vont bouleverser leur existence. Et le pire accourt…
Les communautés paysannes
À partir du XIe, les « villa » – maisons des champs, fermes – déjà regroupées autour d’un édifice, d’une source, d’un cours d’eau… vont former des communautés de voisinage (1). Sans meneur. Il s’agit de communautés de solidarité et d’entraide.
Et qui prend les décisions ?
Une assemblée de chefs de famille, un représentant par villa. Et celui qui ne vient pas à la réunion paiera une amende. Mais pas de femmes ! Sauf les veuves, surtout si elles sont riches.
Au sein de cette assemblée d’hommes, qui se tient souvent au cimetière, se créent aussi des associations à mission spécifique : des caritatives, et une de gestionnaires de l’église, souvent en conflit avec le prêtre (2). Ne serait-ce que pour les décorations : les ruraux préfèrent les saints guérisseurs et Marie aux scènes de vie du Christ.
Mais à qui appartient la terre ?
Aux propriétaires ecclésiastiques (abbaye…) ou laïcs (noblesse…) qui parcellent leur domaine en petites surfaces (3), et embauchent plusieurs agriculteurs pour les cultiver. Au début, ces faibles superficies répondent aux capacités des hommes : ils travaillent à la bêche et à la houe, puis à la charrue tirée par un bœuf.
En contre partie, les paysans versent un « loyer », soit une partie de leur récolte. Mais qu’elle soit bonne ou mauvaise, la quantité à fournir reste la même. Système difficile à réaliser en cas de saison déplorable.
Il faut attendre des années pour que cela change.
Rentabilité d’abord !
Vers la fin du moyen âge, avec l’essor des villes et l’accroissement de la demande en blé, une exploitation morcelée, plus ou moins dispersée, ne convient plus. Pour être rentable, il faut un domaine cultivable d’un seul tenant. Alors, les agriculteurs vont acheter, vendre, échanger de la terre. Et certains s’endetteront pour acquérir un cheval (4), plus rapide, plus maniable qu’un bœuf.
Mais, à cause des diverses taxes et impôts, l’exploitation n’est pas viable.
Les « droits » et « libertés »
D’une part, les paysans ne peuvent pas vivre de leur production de céréales d’autre part, ils ne sont jamais à l’abri d’exactions, d’emprisonnements et de saisies arbitraires.
Alors, du XIIe au XVIe, ils ne cessent de se battre pour l’obtention de droits individuels et collectifs. Ils veulent des lois, privilèges et devoirs des uns et des autres, clairement définis. Ils veulent les voir écrits dans des documents, appelés « chartes de franchise ».
Ils réclament une reconnaissance juridique qui concerne entre autres les droits d’usage : ramassage et coupe de bois, cueillette de fruits sauvages, pêche, chasse de petit gibier…
Et ce n’est pas encore suffisant
Avec l’essor du commerce, conséquence de celui des villes, le besoin en numéraire s’ajoute au problème des mois difficiles. Alors, le paysan devient aussi artisan : charpentier, maçon, potier…, même marchand (5). Et parfois, il lui arrive d’acquérir des parts de moulin, de pêcherie, de mine…
Mais la peste entre à Marseille et se répand sur tout le pays en tuant au passage le tiers de la population. `
Après la peste …
Après la pandémie, il manque des bras pour les travaux agricoles. Les survivants en profitent et réclament des salaires exorbitants. Certains agriculteurs se lancent alors dans l’élevage.
Puis, la guerre franco-anglaise reprend (6). Et les « soldats » sont désormais payés, mais uniquement pour les combats.
Mais qui paie cette armée ?
La population (à 90 % rurale). Mais aussi, celle qui possède l’argent : la classe des marchands, avec bientôt à leur tête : Étienne Marcel.
Puis la monnaie, comme le pouvoir royal, s’affaiblit, mais les impôts augmentent.
Et le roi de France perd la bataille de Poitiers, et se fait prisonnier.
… le pire arrive
Les Anglais réclament une rançon.
Et qui va devoir la payer ?
Toujours les mêmes. Sauf que maintenant, ça grogne. Et particulièrement chez les paysans du nord de la France qui subissent les exactions, incendies, vols, viols… des soldats sans solde, pendant cette période de trêve.
Personne ne vient à leur secours.
Pire, certains seigneurs sont même à la tête de ces Compagnies meurtrières.
La pression fiscale augmente.
Le régent impose aux paysans de fortifier les châteaux, de se battre aux côtés de la noblesse, sous peine de sanctions. Contre Étienne Marcel.
C’est trop !
Et l’assassinat de deux chevaliers déclenche la grande Jacquerie (7), mais c’est une autre histoire.
NOTES
(1) Les documents d’aujourd’hui parlent de : village.
(2) Le curé, depuis le XIIIe siècle, ne s’occupe que du chœur et du clocher
(3) En Picardie surpeuplée (1280 à 1310), la taille d’une parcelle varie entre cinq et dix ares
(4) voir « pas de moyen âge sans cheval »
(5) voir « comment se procure-t-on de l’argent ? »
(6) La guerre de Cent Ans a été entrecoupée de trêves.
(7) Les Bien nés appelaient les paysans, «Jacques bonhomme », qui a donné le nom de Jacquerie, à cette grande révolte paysanne de 1358, au nord de Paris, dans l’Oise.
REMARQUE
Ce milieu rural dans l’après peste prend vie dans le cercle du treize
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Se fut court.je suis resté sur ma faim(de vous lire)
Merçi
Dov
j’ai toujours peur de faire trop long et d’ennuyer mes lecteurs. Il y a tant à dire sur ce sujet qu’il mérite en effet d’être approfondi. Je le ferai. Merci à vous.
Toujours très intéressant, Bravo !