Pour le paysan, le chevalier, le seigneur…, le cheval représente un capital, une monnaie d’échange. Ils sont prêts à mettre en gage leurs terres ou leurs biens… et les usuriers en profitent.
Les Cisterciens et l’élevage
Au XIIe et XIIIe siècle, les abbayes cisterciennes implantent et élèvent des chevaux, juments et mules. Elles codifient aussi l’équipement de l’animal et l’estable (1).
Puis, en France, l’élevage équin se développe surtout dans le Nord et la Picardie. Mais ce sont les chevaux de pure race espagnole qui feront rêver les chevaliers, nobles et rois pendant tout le moyen âge.
Une légende raconte qu’un saint homme montant un Iberius croise l’équipage d’un roi. Envieux, le souverain lui confisque l’animal pour couvrir ses juments, mais Dieu le punit …
Le paysan le désire, mais…
Au début du XIIIe, dans le nord de la France, un cheval de trait vaut un hectare de bonne terre, et selon le siècle et le lieu, de 2 à 4 fois le prix d’un bœuf. Alors, pourquoi remplacerait-on un animal résistant et qui travaille longtemps ? Parce que le cheval offre un meilleur rendement, à une période où la demande en blé s’accroît. Parce qu’il transporte plus rapidement les foins, le bois…
Mais l’investissement de départ décourage le paysan qui ne peut payer la totalité en numéraire.
Car, au prix d’achat du cheval s’ajoutent ceux du harnachement, de l’avoine, et de l’entretien (plus cher que celui du bovin). Plus le coût de l’hébergement s’il voyage et les droits de péage, bien plus élevés que pour une autre bête…
… il faut être riche.
Le cheval est un capital, mais pour le paysan qui ne produit pas d’avoine, cette nourriture représente une grosse dépense, et plus encore pendant l’hiver. Alors, soit il s’en sépare à bas prix pendant les foires d’automne, soit il court vers les prêteurs d’argent et met ses biens en gage.
Mais la plupart gardent les bovins pour leurs labours. Cependant la demande en blé augmente avec l’essor urbain des XIIIe et XIVe siècles, et le bœuf est si lent…
Les banquiers et usuriers
Interdite par l’Église, l’usure se pratique quand même. Et pour une marchandise onéreuse, comme le cheval, les usuriers offrent des prêts à intérêt très élevé.
Même les chevaliers s’endettent pour acquérir une bête de qualité, avec l’espoir de se faire remarquer par un seigneur lors des tournois, et d’en tirer des avantages. Car, monture et équipement constituent souvent la totalité de son patrimoine. Encore une fois, le cheval représente un capital.
Quand le paysan se décide
Il paie une large part en nature : « une jument pour 2000 œufs ; un muid de blé et deux queues de vin vermeil pour un cheval… » (2) le reste en numéraire emprunté ou économisé.
Au bas moyen âge, dans le nord et en Picardie, on verra de plus en plus des chevaux labourer et surtout herser. Mais il n’aura pas délogé le bœuf.
Le commerce équin
Aux XIIIe-XIVe commence vraiment l’importation des chevaux de parade (palefrois) et de combat (destriers). En effet, seigneurs et chevaliers prennent conscience des qualités de certaines races et les réclament. Dans « l’armée » française, les chevaux de Frise (Pays-Bas) et de Westphalie remplacent maintenant ceux de Lombardie, tandis que les papes d’Avignon préfèrent les Espagnols dont la réputation grandit. La noblesse et le roi de France finiront aussi par exiger cette race dont le prix devient exorbitant. Les taxes d’exportations se mettent alors à grimper et la fraude s’ensuit.
Le maréchal-ferrant décide, le seigneur s’endette
Grâce au réseau de certains négociants, des bêtes franchissent les frontières, traversent la France et pénètrent directement dans les cours seigneuriales laïques ou ecclésiastiques. Là, le maréchal-ferrant-vétérinaire décide. Si aucune ne le satisfait, il en négociera au marché ou dans les foires. Celles de qualité atteignent souvent de telles sommes que le futur propriétaire s’endette pour les acquérir. D’autant plus qu’il doit en posséder plusieurs. Au minimum deux : un palefroi pour le prestige, la montre et un destrier, pour le combat.
Une monnaie d’échange
Dans toutes les classes, le cheval représente une valeur d’échange. On le troque contre des dettes, des biens, du numéraire. Mais jamais contre la promesse du paradis.
Autres chevaux :
Ronçins ou roussins, des robustes pour écuyers, moines, chevaliers peu fortunés…
Palefrois pour ces dames
Sans oublier, la rosse et la haridelle du curé.
Remarque
Dans le cercle du Treize, le commerce et la pension des chevaux jouent un grand rôle.
Notes
(1) Estable = endroit couvert pour bestiaux. Le mot escuyrie ou escuirie (écurie) n’apparaît qu’au XIVe.
(2) Deux exemples parmi tant d’autres. Je conçois que les 2000 œufs nous laissent perplexe, mais cela donne une idée du genre de troc de l’époque.
Sources
Le commerce des chevaux et des mules dans la France et pays Catalans ( XIV et XV), Anthony Pinto
Le cheval en France au moyen âge, B. Prévot et B. Riémont
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Félicitations pour ce reportage super intéressant et les magnifiques illustrations photos de grande qualité !