Comment conserve-t-on les aliments au moyen âge ?

Les médiévaux savent préserver leur nourriture : les ancêtres de la boîte de conserve et du frigo existent déjà.  Et pour certains de nos aliments, on continue à pratiquer leurs techniques, comme le salage…

La boîte de conserve médiévale

From the Queen Mary’s Psalter – British Library MS Royal 2. B. VII fol. 78v

Les archéologues ont mis en évidence un procédé de stockage souterrain des céréales. Après le séchage, les grains de la récolte remplissent à ras bord une fosse qui sera hermétiquement fermée. Les grains proches de la paroi consomment l’oxygène piégé à l’intérieur et germent. Quand il ne reste plus d’oxygène, tous « s’endorment ». Ils se gardent ainsi une année ou plus.

De nos jours, des chercheurs de L’INRAE et de l’INRALP (1) étudient cette propriété de conservation et testent l’ensilage des céréales dans des fosses-silos.

RQ : Pour leurs besoins personnels, les cultivateurs stockent leurs produits dans un grenier.

Le frigo des châteaux

Les Romains mettent de la glace et de la neige dans leur « frigidarium » pour y prendre des bains froids. Au moyen âge, les médecins utilisent ce froid pour soigner certains maux et les seigneurs pour conserver les produits de leurs chasses.

À proximité de leurs châteaux ou abbayes, ces hommes possèdent des « glacières », cavités naturelles dans les montagnes ou humbles constructions sous un bosquet, en plaine. Elles consistent alors en une fosse, remplie de neige (glace) et de gibier, souvent précédée d’un couloir d’accès,  comme ci-dessous à Ermenonville. (2)

Par Parisette — Travail personnel, CC BY-SA 3.0

Les Suisses n’ont rien inventé

La dessiccation est une des premières méthodes utilisées pour conserver la viande : on la découpe en fines lanières que l’on expose au soleil, comme de nos jours, la viande des Grisons. Et s’ils veulent accélérer l’assèchement, ils fument les morceaux.

Le caquage, découverte médiévale

Conserver la viande, c’est bien, mais l’Église interdit d’en consommer les jours maigres, c’est-à-dire pendant 100 à 160 jours par an, selon le diocèse. Alors, on se rabat sur le hareng, le poisson-roi de l’époque.

Les pêcheurs peuvent le sécher, le saler ou le fumer. Mais pendant les deux mois de pêche du hareng, les prises sont tellement abondantes qu’une technique plus « industrielle » s’impose. En 1350, un Hollandais imagine le caquage (3). Aussitôt pêchées, les bêtes sont vidées, et coupées en deux. Puis, il alterne saumure et hareng dans un tonneau (la caque). Ce hareng « caqué » sur place, non desséché, se conserve un an.

À terre, tranquillement, les attelages de chevaux transportent donc ces caques à travers le pays, en suivant la route du poisson.

Ce procédé a enrichi les Hollandais. On dit même qu’« Amsterdam est bâti sur des arêtes de harengs » et Jules Michelet écrit : « les harenguiers transmutèrent leurs tonnes infectes en tonne d’or ».

Enrobage ou immersion

Déjà conscients de l’effet néfaste de l’air sur la conservation, les fermiers enrobent les aliments dans de l’argile, du miel, de la graisse (porc, oie, canard)…

Pour les œufs, les volaillères bouchent les pores des coquilles soit en les enfouissant dans le sable ou la cendre, soit en utilisant de huile ou de la graisse, soit en les plongeant dans l’eau de chaux.

Ils font aussi macérer des végétaux dans du vin, du vinaigre ou de l’huile pour les déguster en hiver.

Salage et gabelle

Le salage du poisson, de la viande ou des légumes s’utilise tellement qu’une ordonnance royale de Philippe VI, en mars 1342, impose un monopole d’État sur les ventes. Des greniers à sel sont alors créés. L’impôt sur le sel, aussi.

La légende dit que pour échapper à cette taxe, les Bien nés demandaient à leurs domestiques d’enfouir le sel dans la cache d’une chaise spéciale, et de s’asseoir dessus, en cas de contrôle des inspecteurs royaux.

NOTES :

(1) INRA = Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement. INRALP = institut national de recherches archéologiques préventives

(2) Ermenonville, domaine forestier parcouru par Jean l’Effrayé

(3) Certains prétendent que cette technique existait au XIIe siècle à Fécamp, au XIe à Dieppe.

 

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SOURCE

Éric BIRLOUEZ, agronome consultant et enseignant en histoire et sociologie de l’alimentation

Divers documents d’archéologues et historiens

 

Pour aller plus loin

La théorie du fonctionnement de la glacière par le physicien Deluc :

Lorsque l’hiver survient, l’air froid étant plus pesant que l’air chaud descend dans la caverne ; plus l’hiver est rigoureux, plus l’air tend avec force à descendre dans la cavité et à y rester. Les eaux qui s’y rassemblent se gèlent alors… Quand le printemps et l’été succèdent à l’hiver, l’air chaud extérieur ne peut aller déloger l’air glacé du fond, à cause de la plus grande pesanteur spécifique de celui-ci. La chaleur ne peut donc se propager que très lentement.

D’autres physiciens penchent pour « la théorie des caves froides »

 

Crédit photo d’illustration (en haut de l’article) : Livre du roi Modus et de la reine Ratio, 14th century, BNF

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7 commentaires

  1. Bonsoir , ayant atterri sur votre site par hasard , je découvre vraiment des choses très intéressantes merci beaucoup. Boucher de métier , j’aimerais apprendre ce qu’il ce faisait dans ce métier à travers les âges , même en faire des reconstitutions si jamais un jour vous parlez du sujet je serai le premier intéressé
    Merci encore
    Cordialement

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