Tout le monde boit un litre à un litre et demi de vin par jour et par personne. C’est bon pour la santé, dit la médecine. Et si le rouge célèbre l’eucharistie, on se désaltère au blanc. Puis, un roi veut classer les vins…
Des vignobles partout
La vigne abonde déjà en région méditerranéenne quand elle commence seulement à s’étendre vers le nord. Et quels que soient le sol, l’exposition et la pente, on la plante. Même au bord de l’eau : la rivière servira au transport des tonneaux, sensibles aux cahots des chemins. Les vignobles envahissent bientôt tout l’occident, et pas uniquement dans le but de fournir du vin de messe. Mais pour le profit et la rentabilité de ce travail. Et puis, ce « jus de raisin fermenté » évite le problème de l’eau, souvent polluée.
À partir du XIIe, le vigneron grimpe un échelon dans la société. Les manuels de viticulture se multiplient. Les tavernes prolifèrent. Posséder un vignoble devient une marque de distinction, et même le paysan plante quelques ceps sur sa tenure.
C’est la fête !
Avant le XIIIe siècle, on plantait, de préférence, du raisin blanc, estimé plus résistant que le noir. Mais peu importe : pendant les vendanges, tous chantent, dansent, boivent, et des cortèges licencieux défilent. Même les curés et les frères partagent cette joie, mais après avoir prélevé la dîme.
L’essentiel des grappes file au pressoir soit seigneurial moyennant paiement soit personnel. Les hommes versent le raisin dans une cuve de bois, et les femmes, le plus souvent, le piétinent
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Piquette et vin épicé
La « mère goutte », le premier jus, est la plus goûteuse. Mais personne ne jette le marc. Récupéré au fond de la cuve, il est foulé et coupé d’eau. C’est la piquette, un vin léger que consomment le vigneron, les paysans et les gens des Biens nés.
Quand le moût a fermenté, le vigneron masque l’acidité de son vin par du sucre et des épices ou le parfume avec des plantes. À chacun sa recette. Quant au degré d’alcool, il reste inconnu, mais les livres des comptes ruraux ou citadins attestent une consommation d’un litre à un litre et demi par jour et par personne, femmes, hommes ou clercs. La teneur alcoolique ne pouvait donc pas être élevée, même si, dit-on, Philippe Auguste souffrait d’une cirrhose.
la bataille des vins
Les meilleurs crus de blancs sont apportés à la table du roi Philippe Auguste en vue d’« un classement ». Commence alors, « la bataille des vins », contée par Henri d’Andeli en 1224 : « Un prêtre anglais, revêtu de l’étole, déguste, excommunie ou chasse à coups de bâton les mauvais vins. Ceux qui restent en lice ne tardent pas à se disputer la préséance… » (1)
Le rouge ne s’imposera vraiment qu’à la fin du moyen âge, et avec lui, « l’offensive des vins forts » commence. (2)
Du vin pour le moral et le teint
« L’eau en excès a tendance à favoriser l’humeur mélancolique, et le traité médical, Secretum secretorum, vante le vin : « on ne peut trop louer le bon vin, car il nourrit le corps, rend la santé aux malades et la conserve aux bien-portants… »
D’ailleurs, la médecine le préconise pour mieux digérer, mais aussi pour égayer le teint des dames : elles doivent pour cela en boire à jeun, deux gobels. (3)
Un vin empoisonné ? Goûtez-le !
Servir du vin au roi requiert un bouteiller, grand officier de la Couronne, responsable des vignobles et de l’intendance du vin, puis un échanson, personne de confiance, qui ajoute la bonne quantité d’eau au vin, mélange, goutte afin de vérifier l’absence de poison. Puis, s’il est toujours vivant, verse à boire à Sa Majesté.
Certains affirment qu’on devrait plutôt utiliser une corne de licorne, car elle fait bouillonner tout liquide envenimé… mais le roi croit plus en son échanson.
NOTES
(1) vous trouverez le poème d’Andeli sur la bataille des vins ici : http://www.cepdivin.org/anthologie/batailledvins.html
(2) Apparaîtra aussi le clairet, un vin rosé tant apprécié des Anglais.
(‘3) le vin comme médicament sera traité dans une autre chronique. Gobel signifie : gobelet.
LE CERCLE DU TREIZE
Dans ce roman qui se déroule à la campagne, entre 1348 et 1358, le vin est toujours présent. Il fait partie de la vie quotidienne. Et Marc le maréchal ferrant n’apprécie pas la piquette.
Crédit photo de Une : © British Library Londres
Et comme l’affirma Francis Blanche : « Mieux vaut le vin d’ici que l’au delà ! ».
Ah ah ah! sacré Francis Blanche !
In vino veritas, la meilleur façon de faire avouer.
j’avoue, j’avoue…hips! j’ai eu beaucoup de plaisir à écrire cette chronique…hips!
Bonsoir
Votre blog ainsi que vos articles sont très intéressant merci à vous.